En cette période d'élection, je scrute les réseaux sociaux, je me fais des revues de presse, j'écoute même la matinale de France Inter. Au cours de cette immersion dans le monde de l'information sur la présidentielle, j'ai découvert une population dont j'ignorais l'existence : les abstentionnistes en mousse.
Y'a t-il un bon âge pour amener la technologie entre les mains de jeunes enfants ?
Cela risque t-il d'affecter leurs aptitudes sociales et leur santé mentale ?
Connaît-on aujourd'hui les effets à long terme du temps passé sur les écrans ?
Tout ça est expliqué très sérieusement dans un billet d’Antigone Davis, Hard Questions: So Your Kids Are Online, But Will They Be Alright?, dont l'intitulé de poste, Public Policy Director, Global Head of Safety, aussi long qu'incompréhensible, nous indique que c'est une personne très importante chez Facebook. Et si une personne aussi importante se pose ces questions, c'est qu'ils ont dû bien réfléchir chez Facebook, nous voilà rassurés.
En fait pas trop.
Car j'ai un scoop pour Facebook : aucune des questions ci-dessus n'a encore de réponse sérieuse. On manque encore cruellement de recul sur le numérique et les impacts d'une connexion permanente. Pour autant, la firme ne s'est pas interdit de lancer son application. Ce n'est pas un problème puisqu'elle s'est posée les bonnes questions. Sans avoir obtenu les réponses, mais qu'importe.
Pour réaliser un peu l'ampleur de l'hypocrisie de cette boîte, il faut bien comprendre que c'est la même société qui permet de faire du ciblage marketing auprès de 6 milliards d'utilisateurs, dont certain n'ont que 14 ans, y compris lors de moments vulnérabilité émotionnelle forte : ‘worthless’, ‘insecure’, ‘stressed’, ‘defeated’ ou ‘anxious’.
Avec quelques amis, nous sommes en train de monter un projet (notre projeeeeet) autour de la sécurité et des libertés numériques. Dans ce cadre là, j'ai assisté à une conférence sur le Darknet organisée par l'UNESCO. C'était un scandale.
Cette conférence était symptomatique de la déconnexion des institutions internationales avec des sujets certes pointus mais qui concernent nos libertés et pas uniquement numériques. L'utilisation du Darknet permet de protéger sa vie privée, son anonymat et de contourner la censure. Il est donc question ici de liberté d'information et de liberté d'expression. Quitte à organiser une conférence sur un sujet, il eut été heureux qu'une institution comme l'UNESCO se soit renseignée un peu plus.
J'entends les arguments de ceux qui disent que de toute façon, l'UNESCO est déconnectée et ne sert pas à grand chose, sinon à inscrire des châteaux ou des sites naturels au patrimoine mondial de l'humanité. Mais entre ne pas servir à grand chose et être nuisible, il me semble que sur le sujet du Darknet, l'UNESCO a franchi le pas.
Des outils comme Tor (un “darknet”) sont indispensables dans certains pays pour accéder à des sites censurés. Présenter le darknet comme un repaire de criminels dans une enceinte internationale, c'est apporter sur un plateau d'argent des arguments à tous les pays qui souhaiteraient interdire ces moyens de contournement de la censure. Ce genre de discours est particulièrement mal venu au moment où des pays comme l'Égypte redoublent d'efforts pour censurer Internet avec aujourd'hui pas moins de 424 sites bloqués. Organiser une conférence sur le darknet avec un tel biais relève soit de l'ignorance soit de la bêtise. Espérons que ce soit de l'ignorance car c'est encore réparable.