Abstentionnistes en mousse
En cette période d'élection, je scrute les réseaux sociaux, je me fais des revues de presse, j'écoute même la matinale de France Inter. Au cours de cette immersion dans le monde de l'information sur la présidentielle, j'ai découvert une population dont j'ignorais l'existence : les abstentionnistes en mousse.
Jusqu'ici j'imaginais que coexistaient deux types de population en période électorale :
Les votants : qui vont déposer leur bulletin dans l'urne avec plus ou moins de conviction, d'adhésion ou d'enthousiasme, mais ils votent et participent au système électoral et démocratique de la Ve République ;
les abstentionnistes : qui comme leur nom l'indique, ne votent pas, car ils ne sont pas intéressés ou parce qu'ils considèrent que ce système et ses représentants ne sont pas légitimes.
Les abstentionnistes en mousse
Il existe cependant un troisième type de population : les abstentionnistes en mousse. Ils ne votent pas mais s'intéressent de très près à l'élection présidentielle. Ils commentent les programmes, les candidats, les intentions de vote, les sondages et même les résultats. Mais ce qui fait leur particularité, c'est que malgré ce vif intérêt porté à notre système démocratique, ils s'abstiennent.
J'ai eu confirmation de leur existence sur Twitter pour avoir engagé la conversation avec certains d'entre eux. Au vu de leur réponses, il me semble très peu probable que ce soient des bots utilisés par la Russie de Poutine pour déstabiliser le camp de Macron. J'ai dû me ranger à cette évidence : les abstentionnistes en mousse existent, ce sont des gens indépendants, qui se défendent les uns les autres et font corps autour de leur position.
À l'argument “tu votes pas, tu n prends pas tes responsabilités, alors ne vient pas te plaindre des résultats”, l'abstentionniste en mousse rétorque que nous sommes dans un pays libre et qu'il a le droit de s'exprimer sur tous les sujets y compris sur l'élection. Par ailleurs, en tant que citoyen, car l'abstentionniste en mousse ne manque jamais de rappeler son appartenance à notre système démocratique (“on est on démocratie, on peut s'exprimer, y compris sur les élections”), l'abstentionniste en mousse s'estime légitime à critiquer un président, ses ministres et sa politique pendant 5 ans, alors même qu'il n'a pas participé à l'élection.
Lors de mes discussions avec des abstentionnistes en mousse, j'ai essayé d'exprimer mon désarroi devant ce qui m'apparaît comme un manque de cohérence dans cette position. Pour ce faire, j'ai utilisé une métaphore simple, la métaphore alimentaire :
https://twitter.com/Barbayellow/status/856392241891422208
Je me suis vu répondre qu'il fallait respecter leur choix. Je respecte le choix des abstentionnistes en mousse de ne pas voter mais je ne comprends pas pourquoi ils s'intéressent tant à cette élection qui ne les intéresse pas.
Petit message
Ami abstentionniste en mousse, en cette veille de deuxième tour, j'ai un message à t'adresser : si pour toi les deux candidats sont aussi intolérables l'un que l'autre, et sache que je ne suis pas loin de penser la même chose, rends-toi bien compte que tu as raté l'opportunité de faire sortir l'un ou l'autre au premier tour. Alors s'il te plaît, épargne moi tes commentaires sur Macron et Le Pen.
Si ce système ne te convient pas, abstiens toi, mais fais le bien, fais le jusqu'au bout : entre en résistance, lis Henry David Thoreau sur la désobéissance civile, mets-toi à l'écart de ce système dont tu parle à longueur de tweet alors que tu le déteste tant et construis-en un autre.
La stratégie du pire
A noter, on peut devenir abstentionniste en mousse entre les deux tours. C'est le cas de nombreux Mélenchonistes qui refusent de se salir les mains en allant voter contre Le Pen et qui préfèrent rester le cul sur leur chaise en espérant... quoi ? Que Le Pen passe, que le peuple se soulève, que les gens envahissent les rues, que ce soit tellement le bordel que l'insurrection populaire va démarrer et le Grand Soir va advenir ? Sache ami abstentionniste en mousse que ce n'est pas pas en restant le cul sur son canapé que les révolutions arrivent. Les fascistes oui, les révolutions non.