Barbablog

Numérique et politique

L'évolution du web au cours de ces 20 dernières années entre les illusions du début des années 2000 en passant par l’hyper-centralisation des Gafam jusqu'au tout récent Fédiverse.

200-2004 : le web1.0

Au début des années 2000, beaucoup de jeunes CSP+ aux dents blanches et longues travaillant dans ce nouvel eldorado qu’était le web rêvaient du Grand Jour où chaque internaute aurait sa propre page, son propre blog. Chacun se serait exprimé librement dans son journal en ligne et tout le monde aurait eu la possibilité de se répondre par commentaires ou billets de blogs interposés, le tout créant une gigantesque conversation en ligne indexée à coup de web sémantique et de microformats.

C’était l’utopie d’un web décentralisé, le temps du fameux « les blogs démarrent des conversations » répété à l’envie par le blogueur entrepreneur de droite Loïc Lemeur, aujourd’hui tombé dans le même oubli que son slogan.

2004-2018 : le web2.0

Facebook a rapidement mis fin à cette illusion. Créé en 2004, le réseau social a balayé en quelques années tous ses concurrents. Tout ce dont on avait besoin pour s’exprimer en ligne, c’était un compte Facebook. Les conversations sont devenues des statuts, les commentaires des likes. Facebook nous apportait des contenus, des amis, une audience, sans avoir à faire le moindre effort. La promesse de Facebook était « même si tu n’as rien à dire, tout le monde peut t’entendre ».

Avec plus de 2 milliards de comptes Facebook est aujourd’hui le plus gros réseau social au monde. La success story de ce réseau est représentative de l’évolution du web depuis 2010 : une hyper centralisation au profit de quelques grandes sociétés privées, GAFAM en occident, BATX en Chine. Pour appréhender l’ampleur de ce phénomène, il faut comprendre qu'en 2019 Google et Facebook possédaient 8 des 10 services les plus utilisés sur Internet (Facebook, Whatsapp, Gmail, Instagram, Google, Chrome, YouTube, Google Maps) et 70% du trafic mondial transitait par les serveurs de ces deux sociétés.

Malgré problèmes liés à cette hyper centralisation, désinformation, modèle économique vicié, violation de la vie privée, atteintes à la démocratie, ces ogres numériques se sont durablement installés. La promesse originelle du web, un individu, une page, une adresse, semble morte et enterrée depuis la fin des blogs.

2018 : le Fédiverse (et non le web3)

Des services alternatifs ont vu le jour tels que les réseaux sociaux diaspora, ello, gnunet, mastodon ou peertube. Ce ne sont cependant que des îlots séparés les uns des autres, et jamais aucun d’entre eux n’a eu un nombre d’utilisateur suffisant pour obtenir l’effet de masse nécessaire pour toucher le grand public.

C’est pourquoi certains de ces services ont cherché très tôt à devenir interopérables. En 2008, le réseau social libre identi.ca crée un protocole de communication fédéré, OStatus. Celui-ci a été rapidement intégré par d’autres réseaux et services comme Friendica ou Hubzilla.

En 2018, tout s’accélère : le W3C présente le protocole ActivityPub, aussitôt adopté par le réseau Mastodon qui connaît un succès – sinon fracassant du moins très honorable – comparé à ses prédécesseurs. Aujourd’hui tous ces services sont interconnectés et composent le Fédiverse, un mot valise composé de univers et fédéré. Dans le Fédiverse, avec un compte Mastodon, je peux communiquer avec tous les utilisateurs de Friendica, Hubzilla, Peertube ou de n’importe quel autre service compatible.

Tout le monde peut créer et héberger une instance Mastodon, Hubzilla, Friendica. Ces réseaux alternatifs ont pour objectif commun de redonner la main aux citoyens et reposent sur des logiciels libres.

Le Fédiverse a donné un coup de jeune aux bons vieux blogs. J’ai échangé pour ma part ce bon vieux WordPress pour WriteFreely, un nouveau moteur de blog intégré au Fédiverse. Tout auteur utilisant WriteFreely se voit créer automatiquement un espace sur le Fédiverse et chaque billet est publié automatiquement sur ce compte. Il est possible de mentionner n’importe quel utilisateur du fédiverse dans un article et d’entamer ainsi une conversation avec l’ensemble des utilisateurs de ce réseau de plateforme fédérées. Les blogs n’en finissent pas de mourir… et de revenir.

Ce ne sont que les débuts des plateformes de publication fédérées. On peut aller beaucoup plus loin et imaginer utiliser ces fonctionnalités de fédération de manière asynchrones pour palier à des problèmes de connectivité ou de censure. Pour rappel, 50% de la population mondiale n’a qu’un accès intermittent à Internet et 37% ne s’est jamais connecté faute de moyens ou d’infrastructure.

On peut bien gloser sur le metaverse, le web3 et son cortège de techno inutiles et coûteuses, blockchain, cryptomonnaies, smartcontracts et autres DAO, toutes ces innovations ne sont que des gadgets à côté du Fédiverse qui est le mouvement le plus enthousiasmant sur le web de ces 20 dernières années.

On en reparle dans 5 ans.

#Gafam #décentralisation #SmallWeb #fédiverse

À propos de Barbablog.

Lettre à celles et ceux qui finissent les leurs par “Belle journée”

Quand, pensant embellir ce monde, tu finis ton mail par “belle journée” en guise de conclusion sympathique, saches que tu m’agaces. Le décalage entre le côté poétique, gentiment naïf, de ce “belle journée” et le mail qui réclames les clés du local à poubelles ou qui t'informes que tu vas devoir travailler jusqu'à pas d'heure pour un projet qui n'a pas de sens et qui ne contribue certainement pas à embellir ce monde est pour le moins agaçant.

À ces mails mal signés, mal conclus, mal finis, j’ai envie de répondre en hommage à un humoriste du siècle dernier, “Belle journée, mon cul”.

« En matières de grandes catastrophes publiques, toujours privilégier la connerie au complot : la connerie est à la portée de tous, c'est donc assez largement répandu ; le complot nécessite beaucoup d'intelligence et d'organisation, c'est très rare. »

Michel Rocard

Une entreprise peut accaparer la vie des gens et a considérer comme une matière première gratuite dont elle extraira des données comportementales qu'elle déclarera ensuite comme sa propriété.

C'est ainsi que la sociologue américaine Soshana Zuboff caractérise le modèle d’affaire de Google, Facebook & co et de toutes les sociétés dites de “ad tech”, ces entreprises qui engrangent des données sur les internautes pour les revendre à des régies publicitaires.

À lire :

#GAFAM #Surveillance #Essai

À mes concitoyens qui manifestent contre le passé sanitaire et qui utilisent le mot dictature pour désigner tout ce qui ne va pas dans leur sens, je les invite à lire ce texte, Les manifestations contre le passe sanitaire et la vaccination : de l’égoïsme au fascisme dont je reproduis un extrait ici :

Là où ce cirque devient pervers, c’est que tous ces gens se présentent en grands défenseurs de la liberté, face à un pouvoir qui serait dictatorial. Mais de quelle liberté s’agit-il ?

Cette liberté, c’est celle de ne penser qu’à soi. La liberté de mépriser ses concitoyens. La vaccination, faut-il encore le rappeler, ne protège pas uniquement celui qui se fait vacciner : elle a pour but – et il faut pour cela qu’elle soit massive – de protéger l’ensemble de la société, en réduisant le taux de circulation du virus. Aussi, la « liberté de ne pas se faire vacciner », énoncée en grand principe par l’insupportable « insoumis » Antoine Léaument, n’est-elle que la liberté ne ne se préoccuper que de son nombril et de n’avoir rien à faire de la société, de la collectivité. Les Trois mousquetaires à l’envers : « un contre tous, tous contre un ».

#passsanitaire #antivax #covid19

Le président Macron s’est exprimé lundi 12 juillet sur les mesures mises en place pour maîtriser la nouvelle flambée de cas de Covid-19.

Déjà que la clique antivax pro Raoult était remontée comme une armée de coucous suisses, ce discours et les mesures liées au passe sanitaire les ont chauffés à blanc. Dans la soirée on a vu apparaître sur les réseaux sociaux des milliers de petits Jean Moulin antivax qui ont annoncé à grands coups de tweets rageurs qu’ils allaient se battre contre la dictature sanitaire. Comment ? Pourquoi ? Les plans de l’Etat Major de la France libre et non vaccinée étaient encore un peu flous.

Je suis admiratif du courage et de la force que ces résistants en carton annoncent mobiliser contre une petite piqûre. En même temps, le clictivisme, cette activité consistant à manifester le cul sur une chaise derrière son écran, n’a pas encore vraiment démontré son efficacité. Mais il y a fort à parier qu’avec une équipe de winner emmenée par des leaders charismatiques tels que Francis Lalanne et Jean-Marie Bigard les antivax vont réussir là où tout le monde a échoué.

Ou pas.

#antivax #covid19 #antipass

La seule chose qui permet au mal de triompher est l'inaction des hommes de bien

Cette très belle citation est attribuée à Edmond Burke, homme politique et philosophe irlandais du 18e siècle.

Edmond était pourtant un conservateur qui s’est opposé notamment à la Révolution française. Je ne dis pas que des têtes n’ont pas roulé pendant cette période agitée et qu’il faut la prendre comme modèle de société mais s’afficher contre la révolution française ça te pose quand même dans le paysage politique. Comment un conservateur contre révolutionnaire a-t-il pu avoir des mots aussi justes ?

Tout simplement parce que notre ami Edmond ne les a jamais prononcés. C’est au philosophe et économiste John Stuart Mill, par ailleurs féministe et pro socialiste, que reviendrait la paternité de cette citation selon Quote Investigator.

Il semble en effet plus normal que Mill le socialiste ait eu ces mots plutôt que Burke le vieux réac.

#Citation #CommentBrillerEnSociété

Suite à la gifle assénée à Macron, geste injustifiable par ailleurs, il est utile de se remémorer un discours de Jean-Jaurès prononcé à la chambre des députés au début du siècle dernier sur l’origine de la violence.

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Wikipédia est l'un des 10 sites les plus consulté au monde, Android, Mac OS, et iOS, sont des dérivés de Linux, 90% des serveurs web tournent avec des logiciels libres, etc. On pourrait croire que le logiciel libre et le modèle des communs s'est imposé dans le numérique. Il n'en est rien.

Facebook, et YouTube se sont tournés vers Wikipédia pour faire face aux problèmes engendrés par les fausses informations et les théories du complot ; une partie considérable de l'infrastructure d'Internet, qui permet au passage de faire tourner les Facebook, Google, Airbnb et autres vautours repose sur du logiciel libre. Les plus gros “consommateurs” de logiciels et ressources libres ne sont pas les communautés qui en assurent le développement et la maintenance. Pire, les entreprises qui en profitent le plus n'y contribuent que sur une base de volontariat. Certes elles y contribuent, Google Intel, Facebook, Microsoft, Samsung IBM et quelques d'autres font partie des plus gros contributeurs du noyau Linux, mais leurs contributions sont loin d'être à la hauteur des bénéfices qu'elles en retirent. Ces entreprises captent au passage une partie considérable de la valeur générée par ces projets libres et n'en reversent que quelques miettes à la communauté qui les maintient.

C'est normal me direz-vous, c'est l'essence des licences libres,  sans cette liberté de réutilisation, ces projet ne se seraient pas imposés de la sorte. Et les Facebook Google and co sont déjà bien gentils de soutenir ces projets alors que rien ne les y oblige. Et c'est bien ça le problème comme l'explique Lionel Maurel dans son billet Les Communs numériques sont-il condamnés à devenir des « Communs du capital » ? :

Ce qui est très dérangeant, c’est que l’on régresse à l’ère du paternalisme industriel, tel qu’il avait cours à la fin du XIXème siècle, lorsque les grands capitalistes lançaient sur une base purement volontaire des « bonnes œuvres » pour compenser par la philanthropie les dégâts humains et sociaux causés par une économie de marché débridée.

Source : Les Communs numériques sont-il condamnés à devenir des « Communs du capital » ? – – S.I.Lex –

Lionel Maurel nous invite à cesser d'être naïfs et à inverser le rapport de force

Pour sortir de ces contradictions de plus en plus problématiques, il faut se donner les moyens de défendre la sphère des Communs numériques sur une base beaucoup plus ferme que ne le permettent les licences libres aujourd’hui. C’est ce qu’essaient de réaliser les acteurs qui promeuvent des « licences à réciprocité renforcée » qui interdiraient aux entités commerciales lucratives de réutiliser des ressources communes ou qui leur imposeraient un financement en retour.

Source : Les Communs numériques sont-il condamnés à devenir des « Communs du capital » ? – – S.I.Lex –

Imposer des conditions strictes de réutilisation de contenu ou de logiciels peut avoir comme effet de bord  de freiner le développement et la diffusion de certains projets. Si un projet a moins d'intérêt économique, les entreprises privées “classiques” y investiront moins, voire plus du tout, d'argent. Ce n'est pas un obstacle, mais une opportunité parfaite pour favoriser un autre modèle, celui des entreprises  (au sens “projet”, le sens premier du terme, on l'oublie trop souvent) qui ont d'autres intérêts que la seule recherche du profit : les entreprises de l'économie sociale et solidaire ou les associations à but non lucratif.

La communauté du libre a longtemps souffert d'une certaine naïveté. En dépit de celle-ci les ressources libres se sont multipliées. Pour en assurer la pérennité et favoriser un autre modèle d'entreprise, il est aujourd'hui temps ~~de demander~~ d'imposer plus de réciprocité. #payback

#Capitalisme #Gafam #LogicielsLibres #Politique #Communs\

Tous les matins, Jonathan se réveillait et s'en aller vaquer à ses activités au monastère : étude et méditation. Mais aujourd'hui était un jour différent. Aujourd'hui, le prieur Philippe l'emmenait en ville.

Alors que la plupart des moines avaient rejoint la vie monastique par lassitude de la ville, Jonathan avait lui vécu avec les moines d'aussi loin qu'il s'en souvenait. Le prieur Philippe l'avait trouvé abandonné dans la forêt, juste à côté de la route qui menait au monastère. Il avait amené le nouveau-né à l'église, convaincu qu'un grand destin l'attendait et que c'était le devoir des moines de l'élever comme leur propre enfant.

(...)

En approchant de la ville, ils virent les énormes remparts qui l'entouraient. Jonathan remarqua un garde qui se tenait près de l'entrée de la ville. Celui-ci criait : “Inscrivez-vous ! Inscrivez-vous ! Inscrivez-vous !” et ensuite, plus doucement, “ou connectez-vous”.

Philippe s'approcha et échangea en silence avec le garde qui le laissa passer. Quand ce fut le tour de Jonathan, on lui a demanda de remplir des documents et d'indiquer son âge, son lieu de naissance et son statut marital.

Une fois à l'intérieur de l'enceinte de la ville, Jonathan vit une foule de gens s'étendant jusqu'à l'horizon, quelque soit l'endroit où son regard le portait, des hommes, des femmes et des enfants. Tous travaillaient sans relâche sur de petites parcelles de terre.

“Il doit y en avoir des millions.”

Philippe regarda Jonathan. “Des milliards.”

La suite à lire, en anglais, sur zalberico.com

#Gafam #web #politique #décentralisation #essai