Barbablog

politique

89 députés d’’extrême droite sont entrés à l’Assemblée nationale.

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Je n'ai jamais été du camp des macronistes, trop libéraux pour moi, trop déconnectés, trop cyniques. Mais je les pensais républicains. C'est pour cette raison que l'expression «dictature macroniste » m'a toujours semblé ridicule. Jusqu’à ces dernières législatives.

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La primaire pop est devenu un véritable feuilleton comique à rebondissements.

Après la défection de la candidate élue par 392 738 personnes, Christianne Taubira, le mouvement « qui voulait faire de la politique autrement » a décidé de soutenir… non pas le candidat arrivé en deuxième position, Yannick Jadot, mais celui arrivé en troisième position, Jean-Luc Mélenchon. La primaire pop se torche au passage avec les bulletins des 392 738 votants.

392 738 votants et des mois de drama pour qu'au final une poignée d'organisateurs désigne le candidat gagnant. Je pensais que la primaire pop était un échec, en fait c’est une farce.

#Politique #Forceurs #PrimairePop #clowns

P.s. : dans leur communiqué il y a même des fautes. Franchement vous êtes des clowns.

La primaire populaire, ce grand mouvement qui voulait faire émerger une candidature unique à gauche, n’aura au final pas réussi à faire émerger la moindre candidature.

Après le vote en ligne de quelques 392 738 personnes – en gros la population des 10e et 11e arrondissements de Paris – Christiane Taubira a été désignée comme candidate unique de la gauche, en tout cas de la gauche imaginaire des organisateurs de la PrimairePop.

Après 2 mois de campagne, la même Christiane Taubira vient d’annoncer le retrait de sa candidature faute de signatures.

La primaire populaire ou la parfaite illustration de l’échec.

#Politique #Forceurs #PrimairePop

La primaire populaire est mouvement qui veut faire émerger une candidature unique à gauche à grand coup de forceps.

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Wikipédia est l'un des 10 sites les plus consulté au monde, Android, Mac OS, et iOS, sont des dérivés de Linux, 90% des serveurs web tournent avec des logiciels libres, etc. On pourrait croire que le logiciel libre et le modèle des communs s'est imposé dans le numérique. Il n'en est rien.

Facebook, et YouTube se sont tournés vers Wikipédia pour faire face aux problèmes engendrés par les fausses informations et les théories du complot ; une partie considérable de l'infrastructure d'Internet, qui permet au passage de faire tourner les Facebook, Google, Airbnb et autres vautours repose sur du logiciel libre. Les plus gros “consommateurs” de logiciels et ressources libres ne sont pas les communautés qui en assurent le développement et la maintenance. Pire, les entreprises qui en profitent le plus n'y contribuent que sur une base de volontariat. Certes elles y contribuent, Google Intel, Facebook, Microsoft, Samsung IBM et quelques d'autres font partie des plus gros contributeurs du noyau Linux, mais leurs contributions sont loin d'être à la hauteur des bénéfices qu'elles en retirent. Ces entreprises captent au passage une partie considérable de la valeur générée par ces projets libres et n'en reversent que quelques miettes à la communauté qui les maintient.

C'est normal me direz-vous, c'est l'essence des licences libres,  sans cette liberté de réutilisation, ces projet ne se seraient pas imposés de la sorte. Et les Facebook Google and co sont déjà bien gentils de soutenir ces projets alors que rien ne les y oblige. Et c'est bien ça le problème comme l'explique Lionel Maurel dans son billet Les Communs numériques sont-il condamnés à devenir des « Communs du capital » ? :

Ce qui est très dérangeant, c’est que l’on régresse à l’ère du paternalisme industriel, tel qu’il avait cours à la fin du XIXème siècle, lorsque les grands capitalistes lançaient sur une base purement volontaire des « bonnes œuvres » pour compenser par la philanthropie les dégâts humains et sociaux causés par une économie de marché débridée.

Source : Les Communs numériques sont-il condamnés à devenir des « Communs du capital » ? – – S.I.Lex –

Lionel Maurel nous invite à cesser d'être naïfs et à inverser le rapport de force

Pour sortir de ces contradictions de plus en plus problématiques, il faut se donner les moyens de défendre la sphère des Communs numériques sur une base beaucoup plus ferme que ne le permettent les licences libres aujourd’hui. C’est ce qu’essaient de réaliser les acteurs qui promeuvent des « licences à réciprocité renforcée » qui interdiraient aux entités commerciales lucratives de réutiliser des ressources communes ou qui leur imposeraient un financement en retour.

Source : Les Communs numériques sont-il condamnés à devenir des « Communs du capital » ? – – S.I.Lex –

Imposer des conditions strictes de réutilisation de contenu ou de logiciels peut avoir comme effet de bord  de freiner le développement et la diffusion de certains projets. Si un projet a moins d'intérêt économique, les entreprises privées “classiques” y investiront moins, voire plus du tout, d'argent. Ce n'est pas un obstacle, mais une opportunité parfaite pour favoriser un autre modèle, celui des entreprises  (au sens “projet”, le sens premier du terme, on l'oublie trop souvent) qui ont d'autres intérêts que la seule recherche du profit : les entreprises de l'économie sociale et solidaire ou les associations à but non lucratif.

La communauté du libre a longtemps souffert d'une certaine naïveté. En dépit de celle-ci les ressources libres se sont multipliées. Pour en assurer la pérennité et favoriser un autre modèle d'entreprise, il est aujourd'hui temps ~~de demander~~ d'imposer plus de réciprocité. #payback

#Capitalisme #Gafam #LogicielsLibres #Politique #Communs\

Tous les matins, Jonathan se réveillait et s'en aller vaquer à ses activités au monastère : étude et méditation. Mais aujourd'hui était un jour différent. Aujourd'hui, le prieur Philippe l'emmenait en ville.

Alors que la plupart des moines avaient rejoint la vie monastique par lassitude de la ville, Jonathan avait lui vécu avec les moines d'aussi loin qu'il s'en souvenait. Le prieur Philippe l'avait trouvé abandonné dans la forêt, juste à côté de la route qui menait au monastère. Il avait amené le nouveau-né à l'église, convaincu qu'un grand destin l'attendait et que c'était le devoir des moines de l'élever comme leur propre enfant.

(...)

En approchant de la ville, ils virent les énormes remparts qui l'entouraient. Jonathan remarqua un garde qui se tenait près de l'entrée de la ville. Celui-ci criait : “Inscrivez-vous ! Inscrivez-vous ! Inscrivez-vous !” et ensuite, plus doucement, “ou connectez-vous”.

Philippe s'approcha et échangea en silence avec le garde qui le laissa passer. Quand ce fut le tour de Jonathan, on lui a demanda de remplir des documents et d'indiquer son âge, son lieu de naissance et son statut marital.

Une fois à l'intérieur de l'enceinte de la ville, Jonathan vit une foule de gens s'étendant jusqu'à l'horizon, quelque soit l'endroit où son regard le portait, des hommes, des femmes et des enfants. Tous travaillaient sans relâche sur de petites parcelles de terre.

“Il doit y en avoir des millions.”

Philippe regarda Jonathan. “Des milliards.”

La suite à lire, en anglais, sur zalberico.com

#Gafam #web #politique #décentralisation #essai

En cette période d'élection, je scrute les réseaux sociaux, je me fais des revues de presse, j'écoute même la matinale de France Inter. Au cours de cette immersion dans le monde de l'information sur la présidentielle, j'ai découvert une population dont j'ignorais l'existence : les abstentionnistes en mousse.

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Dans son billet, The Prodigual Tech Bro, Maria Farell décrit le parcours des grands cadres de la tech qui décident un beau jour de s'engager pour le bien commun en dénonçant les excès de leur précédent employeur, bien souvent une entreprise vivant de l'exploitation des données personnelles de ses utilisateurs.

Travaillant dans le domaine des libertés numériques depuis plus de 10 ans, j'ai eu l'occasion de croiser quelques fils prodigues de la tech. Leur discours – aussi sincère soit-il – m'a toujours laissé un arrière goût amer difficile à expliquer. Maria Farrel le décrit avec des mots justes. Je les partage ici en publiant une version française de son billet.

The prodigal techbro

Par Maria Farell, publié en anglais sur Tehconversionalist. Maria Farell travaille sur la gouvernance de l’Internet et défend la net neutralité depuis plus de 10 ans.

Le cadre de la tech devenu social justice warrior est célébré comme un héros qui dit la vérité. Il y a cependant quelque chose d'un peu trop lisse dans ce récit parfait.

Il y a quelques mois, j'ai été contacté par un cadre supérieur qui était sur le point de quitter une entreprise de marketing. Il m'a contacté parce que je travaille depuis longtemps dans la tech, côté non profit, avec beaucoup de bénévolat effectué dans le domaine du numérique et des droits de l'homme. Il voulait “donner en retour”. Pourrais-je le mettre en contact avec des militants des libertés numériques ? Bien sûr. Nous nous sommes rencontrés autour d'un café et je lui ai partagé une partie de mon réseau. C'était une conversation tout à fait agréable avec un individu tout aussi agréable. Peut-être qu'il œuvrera pour le bien commun et partagera son expertise avec celles et ceux qui travaillent à préserver la démocratie et nos vies privées des machines de capitalisme de surveillance de ses anciens employeurs. Les raisons que j'ai trouvées pour lui apporter mon aide sont les suivantes : premièrement, c'est bien d'être gentil ; et deuxièmement, les grands mouvements sont composés de personnes qui partent d'endroits très différents et qui convergent vers une destination commune. Et n'est-ce pas une très belle chose lorsqu'un insider décide de faire ce qui est juste, même si sa décision est tardive ?

Le retour du fils prodigue est une parabole du Nouveau Testament qui parle de deux fils. L'un d'eux reste à la maison pour travailler à la ferme. L'autre récupère son héritage et le dilapide au jeu. Lorsque le joueur rentre à la maison, son père abat le veau pour fêter son retour, laissant le frère vertueux et travailleur se plaindre que toutes ces années, il n'a même pas reçu une petite chèvre à partager avec ses amis. Son père lui répond que le fils prodigue “était mort, maintenant il est vivant ; perdu, il s'est désormais retrouvé”. C'est une histoire touchante de rédemption porteuse d'un aléa moral énorme. Il est en effet question de rentrer à la maison, de s'excuser, d'être joyeusement pardonné et de tout recommencer comme avant. La plupart d'entre nous rêveraient de pouvoir vivre cette situation mais peu en auront la chance.

Le retour du fils prodigue de la tech est une histoire similaire, celle de cadres de l'industrie de la tech qui vivent une sorte de réveil mystique. Ils considèrent un beau matin que leurs anciens employeurs sont des êtres toxiques et s'auto décrètent experts pour dompter les géants de la tech. Ils étaient perdus, ils se sont retrouvés. Ils sont alors chaleureusement accueillis à la maison et placés au centre de notre discours et de nos actions avec des invitations à écrire des articles pour de grands journaux, des financements pour monter des think tank, des deal de livres et des conférences TED. Ces mecs – et oui, ce sont tous des mecs – sont généralement réfléchis et bien intentionnés, et je leur souhaite de réussir. Mais je me demande pourquoi ils attirent autant d'attention et pourquoi ils se voient attribuer autant de ressources et de visibilité alors que les unes et l'autre si si difficile à obtenir en temps normal, et pourquoi on leur donne non seulement une deuxième chance, mais aussi les habits de l'expertise et de l'autorité morale.

Je suis heureux que Roger McNamee, le premier investisseur de Facebook, ait témoigné devant le Congrès américain du quasi-silence intéressé de Facebook sur son rôle sur la propagation de la désinformation russe lors de l'élection présidentielle de 2016. Je suis ravie que l'ancien “responsable éthique du design” chez Google, Tristan Harris, “la chose la plus proche d'une conscience de la Silicon Valley”, dirige désormais un Centre pour “une technologie humaine” expose les astuces pour pirater le cerveau des utilisateurs de son ancien employeur. J'ai même parlé – de manière critique mais, je l'espère, chaleureuse – lors du lancement du livre de James Williams, un autre ex-Googler devenu évangéliste, qui a cofondé le Center for Humane technology qui travaille sur la crise d'attention du numérique. Je leur souhaite bonne chance pour leurs projets. Je souhaite également que les nombreux militants épuisés qui n'ont pas pris d'argent chez Google ou Facebook puissent avoir ne serait-ce qu'un quart de l'attention, du statut et de l'autorité que le fils prodigue de la tech estime être comme son droit inné.

Aujourd'hui, alors que l'opinion publique sur les GAFAM est enfin en train d'évoluer, les frères (et sœurs) qui ont travaillé dur dans ce domaine toutes ces années ne font pas partie de la fête. Pas de veau gras pour vous, mes chers militants des libertés numériques inemployables. L'aléa moral est clair : pourquoi faire ce qu'il faut dès le départ alors qu'on peut prendre l'argent, s'amuser, et quand le vent tourne, recycler son statut et sa (relative) fortune, se lancer dans le plaidoyer et démarrer une toute nouvelle carrière ?

En une demi-heure seulement, en parcourant mes contacts, j'ai trouvé une demi-douzaine d'amis et de connaissances qui n'ont pas eu besoin de leur “chemin de Damas” pour voir ce qui n'allait pas avec la Big Tech ou la façon dont les gouvernements en abusent. Nighat Dad dirige la Digital Rights Foundation ayu Pakistan, qui défend la liberté d'expression en ligne et la vie privée des femmes, des minorités et des dissidents. Ça c'est du courage. Gus Hosein travaille dans le domaine de la technologie et des droits de l'homme depuis plus de 20 ans. Il dirige Privacy International, une ONG basée au Royaume-Uni, et est l'un des penseurs les plus visionnaires que je connaisse. Bianca Wylie a fondé l'Open Data Institute de Toronto, géré par des bénévoles, et travaille sur les données ouvertes, la vie privée et l'engagement civique. C'est la “Jane Jacobs de l'âge des smart cities”. Elle a joué un rôle essentiel comme lanceuse d'alerte face au mastodonte d'Alphabet, le Sidewalk Labs à Toronto. Aral Balkan dirige la Small Technology Foundation et travaille à la fois sur les outils et les politiques permettant de résister au capitalisme de surveillance. N'ayant pas peur d'être impopulaire, même auprès d'autres militants, Aral Balkan a fortement tapé sur les organisations de défense des libertés numériques qui ont accepté les financements des GAFAM tout en critiquant leurs pratiques. Dans les Balkans, Hvale Vale travaille sans relâche pour les droits des femmes, les droits sexuels et les possibilités pratiques et politiques d'évoluer vers un Internet plus féministe. Robin Gross, une avocate californienne spécialisée dans la propriété intellectuelle, aurait pu mettre sa persévérance et sa fougue au service de grandes sociétés de divertissement, mais au lieu de cela, elle travaille depuis des décennies contre l'extrémisme des droits d'auteur qui étouffe la créativité des artistes et ne fait rien pour augmenter leurs revenus. J'aimerais entendre leurs voix et pas (seulement) celles de ceux qui ont mis plus de 10 ans à voir ce qui était pourri au royaume de GAFAM.

L'ancien lobbyiste de Google, Ross Lajeunesse, a quitté l'entreprise en 2019 à cause de la censure du moteur de recherche en Chine et à cause de pratiques de travail homophobes, sexistes et racistes. Il se présente aujourd'hui comme candidat démocrate au Sénat et a récemment écrit un classique du genre “j'ai ouvert les yeux”, intitulé “J'étais le responsable des relations internationales de Google”. Voici pourquoi je suis parti” sur le thème “La devise de la société était autrefois “Ne soyez pas mauvais”. Les choses ont changé”.

Vraiment ? Google a-t-il vraiment changé ? M. Lajeunesse a rejoint Google en 2008, pendant les années d'évasion fiscale, de pratiques sexistes et d'attaques contre la vie privée. Il a continué à y travailler pendant les années d'amendes antitrust, d'utilisation abusive des données de santé, d'entente illégale sur les salaires et de pressions financières sur les think tanks. Google n'a pas changé. Il a juste commencé à traiter les gens en internes comme il traitait déjà les personnes et organisations en externe. Cela ne ressemble à un changement radical que si vous n'avez jamais trop réfléchi à ce que vous faites et à qui vous le faites.

Cent mille personnes travaillent pour Google/Alphabet ; certaines d'entre elles ont beaucoup plus de pouvoir que d'autres. La question n'est pas de savoir si Lajeunesse est coupable ou non des actes de l'entreprise qu'il a représenté – en tant que principal lobbyiste en Asie pendant plusieurs années – mais plutôt de comprendre pourquoi de toutes les personnes qui ont passé la décennie 2010-20 à travailler infatiguablement à dénoncer et combattre le monopole de cette entreprise et ses attaques contre la vie privée mondiale, c'est l'ex-lobbyiste qui retient toute notre attention maintenant.

Nous avons tous droit à une seconde chance. Même si nous n'avons pas besoin d'un nouveau départ nous même, nous voulons vivre dans un monde où les gens ont la possibilité de le faire. Mais la rédemption du fils prodigue de la tech est si rapide et si lisse qu'il n'y a presque aucun obstacle sur sa route. C'est parce que nous avons oublié la partie la plus importante de l'histoire du fils prodigue, celle où il touche le fond. Dans la parabole originale, le fils prodigue se réveille dans une porcherie, mourant de faim, et se rend compte que les serviteurs de son père vivent désormais mieux que lui. Il se décide à rentrer chez lui, à l'endroit et auprès de ceux pour qui il n'avait aucun respect avant. Il suppliera d'être l'un des serviteurs de son père. Il accepte sa déchéance et la perte totale de son statut. Mais au lieu de réprimander et de punir son fils prodigue, son père l'accueille avec joie et entame la séance d'excuses par une grande fête. C'est une très bonne métaphore savoir comment diriger une religion, mais une piètre façon de diriger tout le reste.

Les histoires des fils prodigues de la tech passent directement du passé, quand ils faisaient partie de quelque chose qui – surprise – s'est avéré être mauvais, au présent, où ils deviennent une espèce d'autorité morale sur comment faire le bien, mais sautent les moments transitoires de révélation et de remords. La partie où vous dites que vous vous êtes trompé et que des gens ont été blessés ? C'est la partie la plus importante. C'est pourquoi ces réinventions corporate semblent si superficielles minuscules et pourquoi tant de commentaires sur l'article moisi de Lajeunesse dans Medium étaient critiques. Le voyage semble factice. Les “J'étais perdu mais maintenant je me suis trouvé, venez à ma conférence TED” passent à côté de la partie principale du voyage, et pourtant ils se réclament de l'autorité morale de celui qui “a été là” mais en est revenu. C'est une machine à se téléporter, mais pour l'éthique.

(Alors que nous pensons aux parties soigneusement oubliées de l'histoire du fils prodigue de la tech, attardons-nous un instant sur la suppression des histoires entières de tant de femmes et de personnes de couleur qui ont à peine eu une première chance dans la Silicon Valley).

La seule chose plus assimilable que le froid argent liquide est le privilège. Lorsqu'il ouvre les yeux”, le fils prodigue de la tech ne renonce pas tant au statut élevé (et au salaire) qui était le sien dans sa précédente vie. Il le monnaye dans un un nouveau secteur qui valorise sa réputation. Il ne rejoint pas la résistance. Il lance un nouveau type de start-up et utilise ses contacts dans l'industrie pour obtenir des fonds en échange d'un certain greenwashig.

Et alors ? Bien sûr, c'est un peu agaçant, mais où est le mal ?

Autoriser ceux qui sont (en partie) responsables de notre dystopie technologique à garder le contrôle sur la façon dont ils réécrivent l'histoire signifie que nous n'arrivons jamais à comprendre comment et pourquoi nous sommes arrivés là. Mettre au centre de l'attention les gens qui étaient employés par les GAFAM avant et qui prétendent aujourd'hui être des outsiders ne va pas faire pas avancer le dossier de la responsabilités des compagnies de big tech. Cela ne fera que renforcer la dynamique toxique de cette industrie selon laquelle certaines personnes valent plus que d'autres, que le pouvoir est sa propre justification.

Le fils prodigue de la tech ne veut pas de changement structurel. Il réaffirme, il ne révolutionne rien. Il est un fervent supporter du statu quo selon lequel il faudrait restaurer les intentions initiales des fondateurs des grosses sociétés de Big Tech. Bien sûr, nous nous sommes trompés sur certains points, dit-il, mais c'est parce que nous étions trop optimistes / nous avons agi trop vite / nous avons un esprit de croissance. Il suffit de remettre les ingénieurs aux commandes / de se recentrer sur la mission initiale / de sortir le marketing de l'équation. Le gouvernement “doit passer à la vitesse supérieure”, mais juste assez pour uniformiser les règles. Parce que le fils prodigue de la tech est un type modéré, centriste et régulier. Bon sang, c'est un démocrate. Et ceux qui disent depuis des années ce que lui vous raconte aujourd'hui ? Ce sont des fauteurs de troubles, des outsiders aigris obsédés par les scandale. Il comprend pourquoi vous les avez ignorés. Lui aussi les a ignorés. Il sait que vous voulez améliorer la situation. Mais c'est “compliqué”. Il faut être “nuancé”. Il sait que vous l'écouterez. Mec, il est pareil que toi…

Je revois la fréquence à laquelle j'aide des hommes qui ont bien réussi et qui s'intéressent soudainement à mes idées et à mon carnet d'adresses. C'est ridicule de voir combien de “je leur souhaite vraiment bonne chance” j'ai supprimé de cet article, mais je leur souhaite vraiment bonne chance, tout en réalisant que je les aide parce qu'ils le demandent, ou parce que d'autres personnes le demandent pour eux. Et ce café, ce networking, ces présentations, cette conférence que j'ai donnée et toute l'attention et les soins que je leur donne devraient plutôt être destinés aux militants que je connais et auxquels je tiens, mais qui n'auraient jamais osé me demander quoi que ce soit. Parfois, la fille prodigue a aussi ses regrets.

Si vous êtes un fils prodigue de la tech, rendez-nous service à tous et, comme le dit Rebecca Solnit, aidez-nous à “baisser le son de ceux qui ont toujours été écouté” :

  • Travaillez. Familiarisez-vous avec les recherches et ce que nous avons déjà essayé, sur votre temps libre. Rejoignez les organisations de défense des libertés numériques qui travaillent à limiter les dégâts de vos anciens employeurs et – c'est la clé – asseyez-vous tranquillement au fond et écoutez.\
  • Utilisez vos privilèges et votre statut, ainsi que les 80 % de votre réseau qui vous parlent encore, pour aider à les militants et activistes qui sont dans les tranchées depuis des années – en particulier les femmes et les personnes de couleur. Dites “merci mais non merci” à cette invitation et transmettez la à quelqu'un qui a fait le travail et qui en a payé le prix.\
  • Comprenez que si vous faites cela pour la prochaine étape de votre carrière, vous le faites mal. Si vous faites cela pour justifier les noms des entreprises toxiques qu'on trouve sur votre CV, vous le faites mal. Si vous le faites parce que vous voulez “rendre la pareille”, vous le faites mal.

Faites-le uniquement parce que vous reconnaissez et pouvez dire à haute voix que vous ne “donnez pas en retour”, que vous vous rachetez pour avoir déjà pris beaucoup, beaucoup trop.

#Gafam #Parabole #Politique #Google #Facebook #Microsoft #Amazon #Apple

Susan Fowler connaît  bien la Silicon Valley. Après avoir passé un an chez Uber, elle a démissionné et publié un article retentissant sur le sexisme et la “bro culture” qui régnaient au sein de l'entreprise. Elle publie aujourd'hui une tribune sur la gig economy [1],  également appelée hypocritement “économie du partage”, dont les start-up de la Silicon Valley sont les pourvoyeuses et les championnes les plus zélées.

La gig economy applique les méthodes de l'ingénierie logicielle au monde du travail : diviser en de multiples tâche une activité afin de la rationaliser au maximum. Elle se caractérise par le fait qu'il n'y a pas d'emploi mais uniquement des tâches ultra-spécialisées : livrer un plat, effectuer une course, garder des animaux, etc. Elle doit son nom au mot “gig” qui veut dire concert, les musiciens étant payés à la tâche, au concert, et non dans le cadre d'un contrat sur le long terme.

La gig economy permet à des jeunes boutonneux sortis d'école de commerce de se faire de la thune le cul sur une chaise à taper du code ou à remplir des tableurs excel pendant qu'une armée de petites mains se crève le cul à pédaler pour aller livrer des plats chauds, qu'il pleuve, qu'il vente ou qu'il neige, à des “utilisateurs finaux”, ces êtres étranges qui n'ont plus le temps ou plus le *courage *de sortir pour acheter trois légumes et un bout de pain.

Le véritable problème avec la  gig economy ce n'est pas tellement qu'elle crée des armées d'obèses fainéants, c'est surtout qu'elle détruit des emplois classiques, chauffeurs, livreurs, ainsi que les systèmes de protection sociale et de mutualisation des risques qui va avec.

Aux États Unis, on estime que 34% des emplois relèvent de la gig economy. Comme les américains sont toujours en avance d'une connerie sur le vieux continent, on peut aisément imaginer que la part de petits boulots distribués par des plate-formes créées par des boutonneux d'école de commerce ne va faire qu'augmenter en France et en Europe dans les années à venir. Le nombre de cycliste deliveroo ou de chauffeur uber dans les rues des grandes villes de France en atteste :  la gig economy n'est pas une mode, c'est une tendance.

Aujourd'hui seuls les emplois peu qualifiés sont touchés. C'est un problème de pauvre. Donc ça va. Si t'as fait des études, pas de quoi flipper. Pourtant Susan Fowler nous avertit : si des ingénieurs sont capables de diviser en de multiples tâches un emploi de chauffeur ou de livreur pourquoi ne sauraient-ils pas le faire avec des emplois plus qualifiés tels que manager ou même développeur ?

The risk, we agreed, is that the gig economy will become the only economy.

Le  risque est que l'économie des petits boulots devienne la seule économie

Dans une prise de conscience tardive, les boutonneux de la Silicon Valley s'écrient donc en chœur avec Susan Fowler : “Qu'avons nous fait ? Nous a avons créé un monstre”.

Sans déconner.

À lire : “What Have We Done?”: Silicon Valley Engineers Fear They've Created a Monster | Vanity Fair

  1. littéralement l'économie des petits boulots

#GigEconomy #Politique #Uber #Vautours