Internet n'est pas mort, c'est vous qui êtes fatigués
Je republie ici un article qui a presque 10 ans et qui au vu des derniers événements dans le monde merveilleux du numérique reste toujours autant d’actualité.
Les révélations d'Edouard Snowden sur la surveillance généralisée d'Internet ont eu quelques effets de bord : le site Groklaw, spécialisé dans les affaires et questions juridiques liées aux nouvelles technologies, ferme, les services d'envois d'emails sécurisé Silent Circle et Lavabit suspendent leur activité.... Conséquence : nombreux sont les activistes qui baissent les bras avec le motto « Internet est mort ». Ça m'énerve. C'est idiot. C'est lâche.
Je me souviens d'un après-midi de juillet 2012 au cours duquel je suis allé écouter Stallman parler de logiciels libres. Après deux heures de discours du vieil hacktiviste sur le thème « Logiciels libres et droits de l'homme », une session lightning talk avait été organisée. Le principe est simple : tout le monde peut monter sur scène et prendre la parole pour présenter en 15 mn un projet ou une idée. Fabrice Epelboin, journaliste, activiste, anti hadopi,etc. fut le premier à prendre la parole. En 15 minutes, il a dépeint un tableau de la surveillance sur Internet déprimant, ce qui était peut-être visionnaire il y a un an. En conclusion il expliquait que seuls quelques geeks velus et barbus étaient peut-être encore en mesure de protéger leurs communications sur Internet. Pour tous les autres, il était déjà trop tard.
15 minutes après, je montais à mon tour sur scène pour répondre à Fabrice et à son catastrophisme. Je racontais alors exactement ce que que je réponds aujourd'hui à ceux qui pensent qu'Internet est mourant, qu'Internet c'est fini parce que des agences de renseignements peuvent consulter leur messages privés sur Facebook, hotmail, yahoo, google et skype, accéder la liste des sites qu'ils ont consulté, déchiffrer des messages codés avec les technologies Microsoft et peut-être plus encore vu que Snowden a transmis à peu près 20 000 documents à Glenn Greenwald et que seule une petite partie a été publiée jusqu'ici oui je sais cette phrase est très longue : dire qu'internet est surveillé et qu'on ne peut rien faire, ça m'énerve, c'est idiot, c'est lâche. On peut faire beaucoup. Il faut faire beaucoup. La dernière chose à faire est de baisser les bras. Internet n'est pas mort et ce ne sont pas quelques espions et quelques milliards de dollars qui vont l'achever.
Soyez geeks
Protéger ses communications, c'est encore possible, même pour les non informaticiens. Si Greenwald, simple journaliste a été capable d'échanger avec un cador de la sécurité informatique tel que Snowden, d'autres, journalistes ou non, seront capables de le faire. C'est une question de temps et d'envie. Il existe de nombreux guides en ligne sur la sécurité numérique. Des bénévoles organisent même assez régulièrement des réunions où chacun peut apprendre à protéger ses conversations et ses données, d'autres mettent à disposition des réseaux d'anonymisation financés par la communauté (faites leur un don au passage quand même). J'affirme qu'il est encore possible d'avoir des échanges confidentiels en ligne [1]. Et même si quelqu'un arrive à me prouver le contraire, je continuerai à essayer de trouver un moyen de présever ma vie privée en ligne, pas parce que je suis un dangereux terroriste mais parce que la vie privée est une composante essentielle de tout régime démocratique. Le jour où j'arrêterai d'essayer, le jour où nous arrêterons tous collectivement d'essayer, alors ce jour là on pourra annoncer la mort d'Internet, mais ce sera le cadet de nos soucis, car ce jour là, nous pourrons considérer que nous ne serons plus en démocratie. Lisez ou relisez Le système totalitaire d'Hannah Arendt.
Soyez citoyens
Ceux qui annoncent la mort d'Internet et la fin des échanges privés en ligne ont tendance à considérer leur gouvernement comme une entité qui leur est complètement étrangère. Dans nos sociétés démocratiques, le gouvernement, nos élus, sont les représentants du peuple. Ils sont dépositaires de la souveraineté du peuple. Et le peuple, c'est nous. Il y a mieux à faire que de pleurer la mort d'Internet : contactez vos élus et demandez-leur des comptes. Si vous êtes citoyen américain, il y a de quoi faire en ce moment. Citoyen français ? rassurez-vous, il y a du boulot aussi. Des députés veulent passer une loi sur la surveillance ? Ne les laissez pas faire. Contactez-les. Demandez-leur un rendez-vous téléphonique. Discutez. Expliquez. Mais ne restez pas étranger au jeu démocratique. Cette démocratie que vous avez si souvent défendu à coup de VPN et de cryptographie, ici ou ailleurs, servez vous-en et agissez. La politique, c'est moins cool que le data love mais c'est plus utile.
Voilà amis hacktivistes quelques pistes pour ne pas abandonner. Comme disait papi Stalmann, en juillet 2013, amené à s'exprimer sur le scandale Prism :
If you want to have the possibility of some privacy someday, you'd better join the fight now, because now a bunch of other people are joining the fight. Now is the moment when you can make a difference.