Hackers sans frontières ni éthique
En février 2022, suite aux cyberattaques dont la Croix rouge a fait l’objet, un collectif de professionnels de la cybersécurité a lancé l’ONG Hackers sans frontières.
Ainsi que l’explique un des cofondateur, Karim Lamouri :
L’humanitaire n’est pas seulement en danger dans le monde physique, il est aussi ciblé par des crimes numériques. Notre but, c’est d’aider les associations qui sont moins armées. Parce que nous on a les connaissances, c’est notre rôle de faire ça. Défendre ceux qui n’ont pas l’argent pour se protéger, ceux qui sont laissés de côté. Prévenir les cyberattaques, les détecter et les neutraliser.
Cette intention louable a bénéficié d'une très bonne couverture média lors de son annonce : La Croix, Ouest-France, Le Télégramme, CIO Mag, Global Security Mag, France Info, Sud Radio, TV5 Monde, France5 TV et même les droitards de CNews.
Un an après sa création, Hacker sans frontières s’avère être une structure aux projets quasi inexistants et à l’éthique discutable : l'un des cofondateurs, Florent Curtet, est mis en examen pour avoir joué double jeu dans le cadre d'une négociation de rançon dans une affaire d'attaque par ransomware.
Avec un budget d’environ 100 000 € par an, Nothing2Hide, [disclaimer]dont je suis l’un des cofondateurs[/disclaimer], parvient chaque année à aider et à former sur des problématiques liées à la cybersécurité plus de 400 journalistes militants et activistes ainsi qu’une vingtaine d’organisations, associations, médias et ONG, sans compter les projets d’aide sur le terrain, au Sénégal, Rwanda, Turquie, Russie, Kirghizistan, ni même mentionner le maintien de ressources serveurs pour les services que nous offrons gratuitement, comptes VPN et hébergement sécurisé de données.
Pourtant nous peinons à publiciser nos actions et donc à les financer. Notre dernière campagne de dons nous a rapporté 6500 €, c’est à dire à peine 6,5 % de notre budget annuel. Alors quand je vois un projet comme hackers sans frontières, – qu’un article de l'école de guerre économique qualifie aujourd’hui de faillite éthique à peine un an après son lancement – réussir à occuper tout l’espace médiatique et rameuter la moitié des médias de France pour faire sa promo, ça m’emmerde profondément. Ça m’interroge aussi sur le fonctionnement du système médiatique, plus sensible à une bonne campagne de communication qu’au travail de fond. Ça me peine enfin pour tous les bénévoles qui ont de bonne foi cru dans le projet Hackers sans frontières.
Hackers sans frontières aurait du écarter Florent Courtet le temps de sa mise examen et le réintégrer bien sûr si celui-ci s’avérait être innocent. C’eut été la moindre des choses pour une structure qui porte en bandoulière les valeurs liées au monde hacking white hat (les gentils hackers).
Je souhaite sincèrement à Hackers sans frontières de redresser la barre et d’appliquer au plus vite les principes de transparence et d’indépendance qu’elle affiche sur son site. Sur le papier, c’est un beau projet.